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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

À ce moment, il frappa en riant du pied contre terre, et il atteignit si lourdement les pattes de son beau chien que celui-ci poussa un cri perçant ; mais aussitôt, léchant les mains de son maître, il jeta sur lui un triste regard comme pour le supplier de ne plus traiter mes objections comme des plaisanteries.

— Tu vois, dis-je, qu’il n’est pas toujours bon de confondre le sérieux et le comique. Mais laissons cela. Fais-moi part, je t’en prie, des autres projets qui peuvent t’avoir encore engagé à échanger ta modeste patrie contre l’abîme de Paris. Dis-moi ; dans le cas où, pour l’amour de moi, tu consentirais à abandonner les deux plans dont tu viens de m’entretenir, par quels autres moyens te proposes-tu de chercher à te faire une réputation ?

— Soit, me répondit-il, malgré ton inconcevable disposition à me contredire, je veux te faire ma confidence tout entière. Rien, que je sache, n’est plus recherché dans les salons parisiens que ces romances pleines de grâce et de sentiment telles que les a produites le goût particulier du peuple français, ou que ces lieder venus de notre Allemagne, et qui ont acquis ici droit de bourgeoisie. Pense aux lieder de Schubert et à la vogue dont ils jouissent en France. Ce genre est précisément un de ceux qui me conviennent particulièrement. Je sens en moi la faculté de créer dans cette branche de l’art quel-