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IV
AVANT-PROPOS

Schlesinger. Il reçut même de ces hommes puissants l’accueil qu’on devait au protégé de l’illustre compositeur dont les œuvres, en ce temps-là, possédaient avec despotisme le public. Il offrit aussitôt sa Défense d’aimer au théâtre de la Renaissance. L’opéra fut accepté, et Dumersan, le vaudevilliste à l’imagination si féconde, fut chargé d’en faire la traduction et l’arrangement. Par conséquent, tout s’annonçait sous les plus heureux auspices et « promettait le meilleur succès[1] ». Wagner était ravi au troisième ciel. Certain de la réussite de son ouvrage, il quitta le pauvre quartier des Halles et vint se loger dans un agréable et confortable appartement au numéro 25 de la rue du Helder. Sa joie n’y fut pas de longue durée. C’est là qu’il devait éprouver de grandes, amères et cruelles déceptions. Quelques semaines changèrent son état d’âme. Un beau matin, alors que la première représentation de la Défense d’aimer était prochaine, le théâtre de la Renaissance fit faillite. Les fâcheux événements dont le noble ambitieux allait sentir toute l’amertume et tout le déboire prenaient commencement.

Pendant l’hiver de 1839 à 1840, Wagner, avide de cette renommée qu’avaient remportée avec leurs mélodies Schubert et Mme  Loïsa Puget, rechercha la célébrité que donne la société aristocratique. Il mit en musique Dors mon Enfant, l’Attente de Victor Hugo, les Deux Grenadiers de Henri Heine et Mignonne de Ronsard, qui parut dans la Gazette musicale. Le but qu’il visait, il ne put l’atteindre : les Duprez et les Rubini, « ces héros du chant si vantés »[2], ces Capouls de l’époque, se soucièrent bien de révéler dans les salons mondains les compositions du naïf étranger ! Du reste, cette musique n’était point faite pour les « bou-

  1. Richard Wagner, Souvenirs (traduction de M. Camille Benoit) Paris, G. Charpentier et Cie, éditeurs, 1884. — p. 35.
  2. Souvenirs, p. 37.