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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

— Mais, au nom du ciel, lui dis-je, quel motif peut t’amener à Paris ? qui peut t’avoir fait quitter, à toi, modeste musicien, ta province allemande et ton cinquième étage ?

— Mon ami, me répondit-il, ai-je été poussé à une telle démarche par la passion aérienne d éprouver la vie qu’on mène dans Paris, à un sixième étage, ou bien par le désir plus mondain d’essayer s’il ne me serait possible de descendre au second ou même au premier, c’est un point sur lequel je ne suis pas encore bien fixé moi-même. Avant tout, j’ai cédé à un irrésistible besoin de m’arracher aux misères des provinces allemandes, et sans vouloir tàter de nos capitales, villes grandioses, sans aucun doute, je me suis rendu tout d’abord dans la capitale du monde, dans ce centre commun où vient aboutir l’art de toutes les nations, où les artistes de tous pays rencontrent la juste considération qui leur est due, et où moi-même j’espère trouver moyen de faire germer enfin le grain d’ambition que le ciel m’a mis au cœur.

— Ton ambition est bien naturelle, lui répliquai-je, et je te la pardonne, quoique, à vrai dire, elle doive m’étonner en toi. Mais d’abord, explique-moi par quels moyens tu prétends te soutenir dans cette nouvelle carrière. Combien as-tu à dépenser par an ? Voyons, ne t’effarouche pas ainsi ; je sais bien que tu n’étais qu’un pauvre diable, et que, par conséquent, il ne peut être