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DE L’OUVERTURE

nique ; ou bien elle satisfait tout d’abord l’auditeur mieux doué, et, dans un certain sens, atténue le plaisir qu’il doit trouver à connaître l’opéra même.

Laissons donc de côté cette gigantesque ouverture de Léonore, et retournons à celle de Don Juan. Ici nous avons trouvé le contour de l’idée conductrice du drame développé par une exécution purement musicale, mais nullement dramatique. Je déclare sans hésiter que cette manière de concevoir et de traiter l’ouverture me parait la plus appropriée à la destination de ces sortes de morceaux, et surtout parce que, de cette manière, le compositeur peut demeurer complètement dans le domaine de la musique, sans être mis dans la nécessité d’introduire dans son travail musical des détails d’art purement dramatiques, et, par conséquent, de sacrifier plus ou moins sa liberté d’artiste. Et puis, le musicien atteint ainsi, du moins à mon avis, le plus sûrement au but de l’ouverture. Ce morceau doit être en réalité un prologue idéal, et comme tel, en vous transportant dans une sphère supérieure, doit vous préparer, et non épuiser par avance le sujet, du moins sous le rapport dramatique. Je ne prétends pas dire cependant que l’idée personnifiée musicalement ne doit pas être poussée jusqu’à son expression la plus complète. Au contraire, l’ouverture, considérée comme œuvre musicale, doit être un tout amené à sa plus entière conclusion.