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DE L’OUVERTURE

regardé comme un devoir d’artiste, devoir supérieur, de faire son ouverture ainsi et non autrement. L’acte grandiose, poétique, qui s’accomplit, mais retardé, affaibli par une foule d’incidents inutiles, dans l’opéra même, il s’agissait pour Beethoven de le représenter ici dans son unité la plus resserrée. L’histoire d’un cœur animé d’un grand amour, exalté par une résolution sublime jusqu’à descendre comme un génie sauveur dans les abîmes de la mort, voilà ce que le grand musicien voulait nous rendre sous les couleurs les plus naturelles d’une sainte poésie. Une pensée morale, élevée, semble pénétrer tout l’ouvrage. C’est la liberté qu’un ange de lumière apporte joyeusement à l’humanité souffrante. Nous sommes transportés dans un sombre cachot. Aucun rayon du jour, n’arrive jusqu’à nous. L’horrible silence de la nuit n’est troublé que par des soupirs gémissants, par une aspiration profonde vers la liberté, la liberté ! Là-bas, sous la lumière du soleil, un ange abaisse vers le cachot des regards pleins de désirs. L’air de pure, de divine liberté qu’il respire lui devient un fardeau du moment qu’il ne peut le respirer avec vous sur qui pèse l’abîme. Il prend alors une résolution de détruire toutes les barrières, tous les obstacles qui vous séparent des regards du ciel lumineux. Semblable à un second Messie, il veut accomplir l’œuvre de rédemption. Mais cet ange est une femme douée d’une force non divine, mais humaine.