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DE L’OUVERTURE

noble et élevé. C’est de la musique faite pour plaire, et rien de plus.

Maintenant que nous avons parcouru l’histoire de l’ouverture, et mis sous nos yeux les produits divers les plus brillants de ce genre, reste la question de savoir laquelle de ces manières de concevoir et d’exécuter l’ouverture est la plus juste et la mieux appropriée à sa destination. Comme il s’agit de ne pas se faire exclusif, une réponse nette et précise à cette question n’est certainement pas une chose facile. Nous avons devant nous deux chefs-d’œuvre inaccessibles dans lesquels, si la sublime intention exécutrice est absolument la même, la conception immédiate et le travail de la matière diffèrent complètement. Je parle des ouvertures de Don Juan et de Léonore. Dans la première, l’idée dominante, l’idée saisissante du drame est pour ainsi dire indiquée par deux traits principaux, et puise le complément d’une vie réelle, incontestable, dans le mouvement du travail musical. La passion humaine s’agite dans un conflit contre la puissance infernale sous laquelle elle paraît destinée à succomber. Si Mozart eût ajouté à son ouverture la terrible et tragique conclusion de son opéra, rien ne manquerait à cette œuvre pour être considérée comme un tout complet, un drame à part. Mais le compositeur abandonne au pressentiment le résultat de cette lutte que personnifie son ouverture. Dans l’étonnante transition à la pre-