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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

et l’a personnifiée avec la clarté de l’évidence. Nous reviendrons sur ce chef-d’œuvre quand nous aurons à démontrer d’après ce magnifique exemple quelle forme d’ouverture peut être tenue pour la plus parfaite.

Après Gluck, ce fut Mozart qui donna à l’ouverture son véritable sens. Sans chercher péniblement à exprimer et à rendre ce que la musique ne peut jamais, par sa nature, ni rendre ni exprimer, les détails et les complications de l’action, comme les expliquait l’ancien prologue, il saisit l’idée conductrice du drame, en prit le côté qui appartenait essentiellement à la musique, la passion, et en fit ainsi une poétique contre-épreuve du drame proprement dit, tableau qui avait assez de valeur indépendante pour être vu isolé, mais qui puisait pourtant sa nécessité intrinsèque dans le drame auquel il était destiné. De cette façon, l’ouverture devint un morceau de musique qui existait par lui-même, et qui était par conséquent complètement fini, alors même que sa contexture le rattachait à la première scène de l’opéra. Mozart donna pou rtant à la plupart de ses ouvertures une conclusion musicale, comme on en trouve dans celles de la Flûte enchantée, du Mariage de Figaro, de la Clémence de Titus. On devrait donc s’étonner qu’il n’ait pas fait de même dans la plus achevée, la plus complète de toutes, celle de Don Juan, si l’on n’était d’ailleurs forcé d’accorder que la prodigieuse transition des