Page:Wagner - Art et Politique, 1re partie, 1868.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 72 —

échappé à cette école de classicisme pédantesque, chantait son hymne nerveux à la louange de Hans Sachs, oublié et persiflé, et expliquait au monde la cathédrale de Strasbourg d’Erwin de Sleinbach ; où l’esprit de l’ancien classicisme se réchauffait au contact poétique de nos vieux maîtres ; où la représentation de la Fiancée de Messine faisait descendre du théâtre dans toutes les classes l’étude des Grecs sublimes. L’école alors n’avait pas honte de marcher de pair avec le théâtre : le maître savait que son élève apprendrait là, en même temps que lui, ce qu’il ne pouvait apprendre chez lui, qu’il y acquerrait une noble chaleur d’âme pour juger de haut les grands problèmes de la vie en vue desquels il était élevé.

Ici l’on comprit pleinement qu’être Allemand signifiait faire la chose dont on s’occupe pour l’amour d’elle-même et pour la joie qu’on y trouve, tandis que le système d’utilité, le principe d’après lequel on fait une chose dans un but en dehors d’elle, se présenta comme un principe étranger. Cette vertu des Allemands coïncidait, par conséquent, avec le principe le plus élevé de l’esthétique, selon lequel ce qui n’a pas début est seul beau, parce que, étant son propre but, sa nature est supérieure à tout ce qui esi vulgaire, à tout ce dont l’aspect et la connaissance valent la peine de poursuivre des buts de la vie ; tandis que tout ce qui est propre à un but est laid, parce que l’auteur comme l’observateur ne peut jamais avoir devant lui qu’un matériel fragmentaire, dont l’importance et la disposition ne dépendent que de son application à une nécessité commune, un grand peuple, qui se confiait dans sa puissance inébranlable avec une tranquillité d’esprit supérieure, pouvait seul développer dans son sein et