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bien est-il inférieur en dessous de loiito comparaison ? Ni l’un ni l’autre ; il est seulement tout à fait différent. Il se présente à vous comme le membre immédiat de la nature, au moyen duquel cette mère absolument réaliste de toute existence touche en vous l’idéal. De même qu’aucune intelligence humaine ne peut exécuter l’acte le plus ordinaire et le plus commun de la nature, tandis que celle-ci n’est pourtant jamais lasse de s’offrir avec une plénitude toujours nouvelle aux investigations de l’intelligence, ainsi le mime montre à l’artiste et au poète des possibilités de l’existence humaine, toujours nouvelles et variées à l’infini, afin d’être compris par eux qui ne pourraient inventer aucune de ces possibilités, et d’être élevé lui-même à une existence supérieure. — C’est là le réalisme dans son rapport avec l’idéalisme. L’un et l’autre appartiennent au domaine de l’art, et leur différence gît dans l’imitation ou dans la reproduction de la nature.

Nous voyons par l’art théâtral des Français, qui est parvenu de lui-même à un tel degré de virtuosité, que l’Europe moderne se dirige uniquement d’après ses lois, à quel point le réalisme de l’art peut arriver sans le moindre contact avec l’idéalisme. Un jugement de Voltaire qui désigne ses compatriotes comme un mélange de singes et de tigres, nous semble venir fort à propos pour compléter l’analogie tirée précédemment du domaine de la physiologie. Il est évident, en effet, que le peuple français s’est distingué promptement des autres peuples de l’Europe principalement par deux traits de caractère typiques : la gentillesse poussée jusqu’à une souplesse niaise, surtout en sautant et en bavardant ; d’autre part, la cruauté poussée jusqu’à