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VOYAGE AUX INDES

jourd’hui ils mangent toutes sortes d’animaux, même du bœuf, pourvu qu’ils s’abstiennent de le tuer. Quant à leurs Dieux, ils en comptent sept principaux ; les cinq premiers se sont incarnés, & ont déjà vécu sur la terre, pour apprendre aux hommes à connoître la vertu.

Les deux autres doivent y ramener un jour le tems heureux des premiers âges. Cependant ils n’en adorent qu’un seul, qu’ils appellent Godéman ; il est le dernier des cinq qui se sont incarnés, & paroît être le même que Vichenou.

Les livres sacrés ne marquent point le tems de sa vie terrestre. Ils se bornent à dire qu’en mourant, il a promis de répandre ses graces infinies pendant six mille ans sur ceux qui l’invoqueroient ; c’est pour les mériter que les Pégouins & les Barmans vont régulièrement dans sa Pagode une fois la semaine ; & tous les jours de fête, ils y chantent ses louanges, brûlent des cierges devant sa figure, lui offrent des viandes, du poisson, des légumes & du riz cuit : ces offrandes deviennent la proie des chiens & d’autres animaux qui entrent dans la pogode & en sortent librement.

Leurs temples sont ornés avec décence ; ils ne les remplissent pas de figures obscènes, comme les habitans de la côte de Coromandel, de Malabar & du Bengale. Les Pégouins ont une vénération particulière pour celui de Kelkel, près de Siriam, & les Barmans pour celui de Digon, près de Rangon. Ce dernier est singulièrement construit ; il se termine en cône, & n’a ni portes ni fenêtres : c’est par une ouverture pratiquée au sommet, sur lequel on voit la couronne d’or qu’y fit placer Alompra, que les Princes, les Seigneurs & le Peuple, jettent les richesses immenses qu’ils apportent en offrandes. Ce