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VOYAGE AUX INDES

mes appelés en France les Économistes, occupés de calculs sur la subsistance des peuples, a fait revivre des ses leçons agronomiques, les fables que les Jésuites avoient débitées sur le commerce & le gouvernement des Chinois. Le jour où l’Empereur descend de son trône jusqu’à la charrue, a été célébré des tous les écrits ; ils ont préconisé cette vaine cérémonie aussi frivole que le culte rendu par les Grecs à Cérès, & qui n’empêche pas que des milliers de Chinois ne meurent de faim, ou n’exposent leurs enfans, par l’impuissance où ils sont de pourvoir à leur subsistance.

Les Économistes se faisoient un titre de cette Comédie politique, pour blâmer les Souverains de l’Europe, qui partagent leur protection entre le commerce & l’agriculture. Ils demandent hardiement à quoi servent les colonies, le commerce maritime, les voyages lointains, & recueillent avidemment les mensonges des voyageurs, quand ils favorisent tant soit peu leurs idées. Ils ne comprennent pas qu’un terrain quelqu’étendu qu’il soit peut porter plus d’hommes qu’il n’en peut nourrir ; qu’il est plus aisé de faire naître un enfant, que d’assurer sa nourriture, & que la population sans le commerce, est une vraie surcharge à un État : le commerce seul peut réparer les inégalités de la population, & des productions de la terre ; & le peuple le plus commerçant & le plus maritime, est non-seulement le plus assuré de sa subsistance, mais il tient dans ses mains celle des autres Nations.

Je ne serai point partial en parlant de la Chine ; je retracerai simplement ce que j’ai vu, ce que m’ont raconté les Chinois eux-mêmes, & ce qu’ils ont pu m’apprendre par leurs traditions.