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VOYAGE AUX INDES

qu’avec respect, dont on ne cite les loix qu’avec éloge, & les mœurs qu’avec admiration, mérite plus qu’aucun autre l’attention de l’Observateur & l’examen du Philosophe.

Placé à quatre mille lieues des plages Européennes, les Chinois n’ont été connu dans l’Occident que par les relations édifiantes des Missionnaires ; ces hommes que le desir de rendre éternellement heureuses des Nations idolâtres le besoin inquiet de se transporter dans des pays inconnus, pour y annoncer des vérités effrayantes, ont fait renoncer à leur patrie & à ses douceurs, n’ont pas été entièrement désintéressés : pour compensation des fatigues, & pour dédommagement des persécutions auxquelles ils s’exposoient, ils ont envisagé la gloire d’envoyer à leurs compatriotes des relations étonnantes, & des peintures d’un peuple digne d’admiration. On sait d’ailleurs que cette classe d’Européens borne ses connaissances aux vaines subtilités de la scholastique, & (ce qui nous importe davantage dans la question présente) à des élémens de morale subordonnés aux loix de l’Évangile, & aux vérités révélées.

Ces reproches cependant ne peuvent regarder les Jésuites ; en nous représentant les Chinois sous le jour le plus favorable, & en les peignant avec les couleurs les plus vives, ils avoient un autre intérêt ; dans ce corps à jamais célébre, on avoit su réunir les extrêmes. À une vie exemplaire, à une piété tendre & affectueuse, à l’étude des sciences, ils joignoient un relâchement de morale commode pour les conversions apparentes, une politique profonde qui rapportoit tout à sa propre gloire, & une réunion de moyens capables de donner des fers à l’univers entier. Ne pouvant conquérir le globe par la voie des armes, les Jésuites avoient résolu de l’asservir au nom