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ET A LA CHINE; Liv. IV.

étroites et mal propres ; elle ne sont pas alignées comme on l’a prétendu. Cette régularité choqueroit le génie & la superstition chinoise. Les seules qu’on y trouve dans ce genre, sont la rue Marchande, appellée par les Européens rue de la Porcelaine, & celle des Bonetiers. Aussi les Chinois y vendent pendant la journée, mais ils se gardent bien d’y loger en famille, parce que n’étant point bâties selon leur idée, ils regarderoient le choix d’un pareil domicile comme une cause de malheur.

Les autres rues forment une espéce de mosaïque plus ou moins considérable, parce qu’un Chinois pour avoir plus de bonheur que son voisin, avance sa maison sur la rue au moins d’un pied, & souvent de deux ou trois, ce qui forme une irrégularité choquante. Au lieu de ces colonnes dorées dont le Père le Comte nous donne la description, on ne trouve que deux mauvais pilastres bruts peints en brun, & destinés à soutenir une petite charpente qui donne de l’ombrage dans la boutique : le dessus de la porte offre un grand écriteau noir sur lequel on trace en jaune ou en lettres d’or le nom & le commerce du propriétaire. La ville est distribuée en plusieurs quartiers séparés par de mauvaises barrières qu’on ferme tous les soirs à neuf ou dix heures, alors toute communication est interdite ; il faut être bien connu pour se faire ouvrir. Si dans le jour quelqu’Européen veut sortir de la ville, à la dernière barrière on lui donne un soldat pour l’accompagner & l’épier ; il le garantit des huées de la populace, sur-tout des enfans, moyennant quelque chose qu’on lui donne en rentrant.

Les maisons sont composées de cinq ou six angards placés les uns à la suite des autres, & séparés par de grandes cours dans lesquelles on entre le plus souvent par une porte ronde ;