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Éva (lui prenant la main) : Ainsi tu songes a nous abandonner.

Georges : Je te reviendrai, Éva.

Éva : Et si tu ne me retrouvais plus au retour ?

Georges : Ne plus te retrouver… que veux-tu dire ?

Éva : Je ne sais, mais il me semble qu’un danger me menace.

Georges : Un danger ? Lequel ?

Mme de Traventhal : Qu’est-ce donc, ma fille ? Parle ?

Éva : Depuis quelque temps, chaque fois que je quitte le château accompagnée du vieux Niels, je suis suivie par un homme dont la présence me cause un véritable effroi.

Georges : Quel est cet homme ?

Éva : Je l’ignore, mais c’est un être d’allures étranges, bizarres et qui m’épouvante. On dirait qu’il sait d’avance ce que je vais faire et où je dois aller.

Georges : Et il te suit partout, dis-tu ?

Éva : Partout, et circonstance singulière, il ne s’arrête qu’au moment où j’entre dans l’église et là… sur le seuil du Saint Lieu, son regard devient plus étrange encore… une amère ironie contracte ses lèvres et le feu de la colère brille dans ses yeux.

Georges : Et lorsque tu as pénétré dans l’église ?

Éva : Le calme rentre alors dans mon âme… surtout lorsque c’est maître Volsius qui fait résonner l’orgue.

Georges : Maître Volsius ?

Éva : Oui, le nouvel organiste attaché je crois à la cathédrale d’Aalborg, un artiste de génie, je dirais presque un artiste surhumain ! Car, lorsqu’il accompagne les psaumes de la pénitence, ce sont les ténèbres de l’enfer qui s’entrouvrent à vos yeux. Lorsqu’il chante les gloires du Tout-Puissant, c’est au Paradis même qu’il vous transporte. Alors et comme par un merveilleux enchantement, les murs se reculent, l’église s’évanouit, et c’est une vision céleste que son génie évoque au milieu des plus sublimes harmonies.

Mme de Traventhal : Oui ! Éva ! Oui ! J’ai comme toi éprouvé ces extases en l’écoutant.

Éva : C’est plus que de l’extase. On voit… ce que veut exprimer ce grand artiste, on le voit, ma mère, on le voit bien réellement.

Tartelet : Et moi aussi, j’ai vu, oui, monsieur, oui, j’ai vu ce prodige, et l’on m’a assuré que cet homme n’est pas seulement un organiste sans égal. Il tire les effets les plus miraculeux avec mon pauvre violon, il ferait danser les maisons.