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rup… Va-t-il être joyeux !… Riche ! je suis richissime ! (dansant) traderi… dera… deri… dera… dera… ! Ah ! si Tartelet me voyait… et les pieds en dehors… Ah ! quelle joie ! quel bonheur !

Le Joaillier (à part) : Mais il va perdre la tête…

Valdemar : Mon ami, y-a-t-il un télégraphe dans cette ville ?

Le Joaillier : Oui… avec le fil d’Europe !

Valdemar : Et on peut envoyer une dépêche ?

Le Joaillier : Sans doute !

Valdemar : Et en payant dix fois… cent fois… le prix de la dépêche, on aurait une réponse immédiate ?

Le Joaillier : C’est probable.

Valdemar : Ah ! Babichok !… chère Babichok… millionnaire ! dix sept fois millionnaire !… Tu auras des voitures, des châteaux… un cachemire des Indes (au Joaillier). Il doit y avoir dans l’Inde des cachemires des Indes ?

Le Joaillier : D’admirables !… ils viennent de Paris.

Valdemar : J’en achèterai neuf… Le télégraphe ?… Où est le télégraphe ?

Le Joaillier (à part) : Il devient fou !


Scène IV

Anderson, puis Georges, Ox, Éva, Tartelet.

Valdemar (à Anderson) : Le télégraphe, s’il vous plaît, Monsieur ?

Anderson : Là-bas à droite…

Valdemar : Merci, monsieur… je vais télégraphier ma fortune à Babichok, monsieur…

(Il sort en courant.)

Le Joaillier : J’ai manqué là une belle affaire…

(Il rentre dans sa boutique.)

Ox (sortant de l’hôtel suivi de Georges, de Tartelet et d’Éva) : Eh ! bien, monsieur, tout est-il prêt pour nous recevoir sur votre bâtiment ?

Anderson : Oui, monsieur.

Georges (fiévreusement) : Et nous allons partir ! partir au plus vite… gagner la pleine mer… et une fois arrivés là, Docteur… Ah ! ah !…

Ox (bas) : Silence !

Anderson : Mon navire est un excellent marcheur, messieurs, et je me fais fort de vous débarquer avant six semaines à Valparaiso.

Georges : À Valparaiso… nous ? Ah ! ah ! ah !

Éva (le regardant avec inquiétude) : Georges !…

Ox : Ce n’est point à Valparaiso que nous quitterons votre bord, monsieur.

Anderson : Mais je vais directement de Goa à la côte américaine, messieurs, et à moins que vous ne vouliez débarquer en plein Océan…

Ox : Qui sait ?… En plein Océan, peut-être…

Georges : En plein Océan ! oui… Là est le chemin que nous devons suivre… plonger à travers les flots… arriver au fond de l’abîme…

Éva : Georges, tu m’épouvantes…

Georges (revenant à lui) : Éva, chère Éva, rassure-toi… Tu n’affronteras pas ces périls… je ne le veux pas…

Éva : Me séparer de toi, jamais !

Anderson (à part) : J’aurai là de singuliers passagers.

Tartelet (qui vient de se mêler à la foule redescend en scène) : Que disent donc ces braves gens ?… Ils prétendent qu’un monstre marin se promène dans les eaux de leur rade ?

Ox (riant) : Un monstre ?

Anderson : Ne riez pas, messieurs, il y a bien réellement un être redoutable qui parcourt, depuis un mois, les eaux indiennes.

Georges : Tant mieux !

Anderson : Vous dites ?

Georges : Nous le combattrons, Capitaine.

Ox : Quelque poulpe chimérique, quelque Kraken légendaire.

Anderson : Non, c’est une sorte de cétacé, un monstre phosphorescent, long de deux cent cinquante pieds environ, dont le passage produit un remous effroyable et qui laisse après lui un sillage d’une blancheur éclatante…

Cris de la foule : Le voilà !… Le voilà !…

Anderson : Tenez on l’aperçoit en ce moment sans doute…

Georges : Venez… courons !

(Il remonte avec Ox et Anderson. Tous trois parcourent le quai au fond de la scène, au milieu de la foule.)

Tartelet : Hélas ! l’exaltation du pauvre monsieur Georges va toujours en augmentant ; et grâce à son incompréhensible pouvoir la domination qu’exerce sur lui le docteur Ox n’est que trop justifiée… nous voilà abandonnés à nous-mêmes ! (Regardant autour de lui.) À propos ! Et le jeune Valdemar ? Où est-il donc ?

(Éva remonte vers le fond et va rejoindre Georges.)


Scène V

Les mêmes, Valdemar.
(Valdemar entre rapidement par la gauche.)

Valdemar : Ah ! Monsieur Tartelet, mon bon Monsieur Tartelet !