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LA LÉGENDE DORÉE

membres comme de pierres précieuses ! Avant que le Seigneur fût attaché sur toi, tu inspirais la peur terrestre ; mais, désormais, tu obtiens l’amour céleste, et l’on te souhaite comme un bienfait. Aussi vais-je à toi assuré et joyeux, pour que tu m’accueilles amicalement, moi, le disciple de Celui qu’on a pendu sur toi : car je t’ai toujours aimée, et ai aspiré à ton embrassement. Ô bonne croix, ennoblie et embellie par les membres du Seigneur ! Longtemps désirée, constamment aimée, sans cesse recherchée, prends-moi aux hommes et rends-moi à mon Maître, afin que celui-ci, m’ayant racheté par toi, me reçoive de toi ! » Et, disant ces paroles, il se dévêtit, et livra ses vêtements à ses bourreaux, qui l’attachèrent sur la croix comme on le leur avait ordonné. André y resta, vivant, pendant deux jours, et prêcha à une foule de vingt mille personnes. Le troisième jour, cette foule commença à menacer de mort le proconsul Égée, disant que c’était chose abominable de faire souffrir ainsi un saint homme plein de douceur et de piété. Et Égée, effrayé, vint le faire détacher de la croix. Mais André, en l’apercevant, lui dit : « Te voici, Égée ? Que si tu viens pour faire pénitence, tu auras ton pardon ; mais si tu viens pour me faire détacher de la croix, sache que je ne dois pas en descendre vivant ! Et déjà je vois mon Roi qui m’attend aux cieux ! »

Des soldats voulurent le délier, mais ils ne purent pas le toucher, car aussitôt leurs bras retombaient inertes. Et André, voyant que la foule voulait le détacher, fit, sur sa croix, cette prière, qu’a rapportée saint Augustin dans son livre De la Pénitence : « Seigneur, ne permets pas que je descende vivant de cette croix : car il est temps que tu livres mon corps à la terre. Je l’ai porté si longtemps, j’ai tant veillé, et peiné, que je voudrais maintenant être délivré de cette obéissance, et déchargé de ce lourd fardeau. Aussi longtemps que l’ai pu, Père bienfaisant, j’ai résisté aux attaques de mon corps, et, avec ton aide, je l’ai vaincu. Mais maintenant je te demande, comme récompense, de ne plus m’ordonner cette lutte, et de reprendre le dépôt que tu m’as confié.