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agenouillée et les mains jointes, implorait son Fils en faveur des hommes. Et le Fils, voyant son insistance, lui dit : « Ma mère, que puis-je ou dois-je encore faire pour eux ? Je leur ai envoyé mes patriarches et mes prophètes, et ils ne se sont pas corrigés. Je suis venu moi-même vers eux, je leur ai envoyé mes apôtres : ils nous ont mis à mort. Je leur ai envoyé mes martyrs, mes docteurs et mes confesseurs : ils ne les ont pas écoutés. Cependant, comme je ne veux rien te refuser, je leur donnerai encore mes Frères Prêcheurs, pour qu’ils puissent les éclairer et les purifier. Mais si les hommes rejettent encore ceux-là, je serai forcé de sévir contre eux ! » Un autre moine eut une vision analogue, le jour où douze abbés de Cîteaux arrivèrent à Toulouse pour combattre les hérétiques. Cette fois, la Vierge dit au Fils : « Mon cher enfant, ce n’est point contre leurs méchancetés, mais d’après ta propre compassion que tu dois agir. » Et le Fils, vaincu par ses prières, lui dit : « À ta demande, je vais encore leur envoyer mes Frères Prêcheurs pour les instruire et les avertir ; mais s’ils continuent à ne pas se corriger, je n’aurais désormais plus de pitié pour eux ! »

Un Frère Mineur, qui avait été longtemps le compagnon de saint François, raconta à plusieurs Frères de l’ordre des Prêcheurs que, pendant que Dominique était à Rome pour la confirmation de son ordre, il vit, une nuit, le Christ debout dans les airs et tenant en main trois lances, qu’il brandissait contre le monde. Et sa Mère, accourant au-devant de lui, lui demanda ce qu’il allait faire. Et Lui : « Le monde est tout rempli de trois vices : l’orgueil, l’avarice, et la concupiscence ; aussi ai-je résolu de le détruire avec ces trois lances ! » Alors la Vierge, se jetant à ses genoux, lui dit : « Fils bien-aimé, aie pitié et tempère ta justice de miséricorde ! » Et le Christ : « Ne vois-tu pas les injures qui me sont faites ? » Et la Vierge : « Mon fils, retiens ta fureur et attends un peu ; car je connais un fidèle serviteur et vaillant lutteur qui, parcourant le monde, le soumettra à ta domination. Et je lui donnerai pour assistant un autre