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XIV
INTRODUCTION

Jacques de Voragine n’est peut-être pas un grand écrivain : mais à coup sûr il possède un style qui lui appartient en propre, un style, et une façon de composer, et surtout une façon de raconter ; de telle sorte que les citations les plus diverses prennent aussitôt, sous sa plume, la même allure et le même attrait. Que l’on compare, à ce point de vue, son récit des martyres des saints avec le récit qu’en donne le Bréviaire : ou, plutôt encore, qu’on compare ses légendes de Saint Jean l’Aumônier, de Saint Antoine, de Saint Basile, avec le texte de la Vie des Pères, d’où il nous dit qu’il les a « directement extraites » ! Et l’on comprendra alors ce que sa « compilation » impliquait de travail personnel, de réelle et précieuse création littéraire. Et l’on comprendra aussi, très clairement, le caractère et la portée véritables de la Légende Dorée.

Mais avant de définir ce caractère et cette portée, il y a une autre erreur encore que je dois signaler : celle qui consiste à voir dans la Légende Dorée un recueil de « légendes », autant dire de fables, et présentées comme telles par l’auteur lui-même. En réalité, Legenda Sanctorum signifie : lectures de la vie des saints. Legenda est ici l’équivalent du mot lectio, qui, dans le Bréviaire, désigne les passages des auteurs consacrés que le prêtre est tenu de lire entre deux oraisons. Et Jacques de Voragine n’a nullement l’intention de nous donner pour des fables les histoires qu’il nous raconte. Il entend que son lecteur les prenne au sérieux, ainsi qu’il les prend lui-même, sauf à exprimer souvent des réserves sur la valeur de ses sources, ou, avec une loyauté admi-