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LA LÉGENDE DORÉE

s’étendit donc dans la voiture, et ses compagnons lui dirent : « Ne parle pas, ferme les yeux, et fais semblant d’être mort jusqu’à ce que nous ayons dépassé l’église que l’on construit ! » Et lorsque la voiture arriva à l’endroit où Julien et Jules construisaient l’église, les deux saints dirent aux voyageurs : « Chers enfants, daignez-vous arrêter un moment, pour nous donner un coup de main dans notre travail ! » Les voyageurs répondirent : « Nous ne pouvons nous arrêter, car nous conduisons un mort, dans notre voiture ! » Et saint Julien leur dit : « Mes enfants, pourquoi mentez-vous ? » Et eux : « Seigneur, nous ne mentons pas : c’est la vérité que nous vous disons ! » Et saint Julien leur dit : « Qu’il en soit donc comme vous le dites ! » Et les voyageurs, piquant leurs bœufs, s’éloignèrent ; et quand ils furent arrivés à quelque distance, ils se mirent à appeler leur compagnon, en lui disant : « Lève-toi maintenant, et, aide-nous à stimuler le bœuf, car nous n’avançons pas ! » Et comme l’homme ne bougeait pas, ils se mirent à le secouer, en disant : « Rêves-tu ? Allons, lève-toi ! » Et, comme il ne répondait toujours pas, ils le découvrirent ; et ils virent qu’il était mort. Personne, depuis ce moment, n’osa plus mentir aux serviteurs de Dieu.

IV. Il y eut encore un autre saint Julien. Celui-là, qui était de famille noble, se trouvait un jour à la chasse, dans sa jeunesse, et poursuivait un cerf, lorsque soudain le cerf, sur un signe de Dieu, se retourna vers lui et lui dit : « Comment oses-tu me poursuivre, toi qui est destiné à être l’assassin de ton père et de ta mère ? » Et le jeune homme, à ces paroles, fut si épouvanté, que, pour empêcher la prédiction du cerf de se réaliser, il s’éloigna secrètement, traversa d’immenses régions, et parvint enfin dans un royaume où il entra au service du roi. Il se conduisit avec tant d’éclat dans la guerre et dans la paix que le roi le créa chevalier, et lui donna pour femme la veuve d’un très riche seigneur. Cependant, les parents de Julien, désolés de sa disparition, erraient à travers le monde, en quête de leur fils, jusqu’à ce qu’ils arrivèrent, un jour, au château qui était maintenant la