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LA LÉGENDE DORÉE

oreilles, m’a aussitôt rendu la parole et l’ouïe. » Et tous, sortant de la maison, se mirent à la recherche du fugitif, mais sans pouvoir le retrouver. Sur quoi ils firent tous pénitence d’avoir traité avec mépris un homme de Dieu.

II. Un moine nommé Vital eut l’idée d’éprouver saint Jean, pour voir si cet homme, d’ailleurs parfait, se laissait persuader par les on-dit, et était facilement accessible au scandale. Il se rendit donc à Alexandrie et se fit donner la liste de toutes les courtisanes. Puis, entrant chez elles tour à tour, il leur disait : « Donne-moi cette nuit, et, en échange de l’argent que je t’offrirai, consens à t’abstenir jusqu’à demain de toute fornication ! » Et il passait toutes les nuits chez ces courtisanes, mais agenouillé dans un coin de la chambre et priant pour elles ; et, le matin, il s’en allait en leur défendant de révéler ce qu’il avait fait. Il y eut cependant une de ces femmes qui divulgua la chose : et, en punition, un démon s’empara d’elle. Et tous lui disaient : « Tu n’as que ce que tu mérites, menteuse ! car ce mauvais moine est allé chez toi pour forniquer, et non pour autre chose ! » Et, tous les soirs, le moine Vital disait à ceux qui l’entouraient : « Il faut maintenant que je m’en aille, parce que telle ou telle courtisane m’attend ! » Et à ceux qui lui faisaient des reproches, il répondait : « N’ai-je pas un corps, comme tout le monde ? Et les moines ne sont-ils pas des hommes comme les autres ? » Alors on lui disait : « Défroque-toi plutôt, l’abbé, et prend une femme chez toi, afin de ne pas scandaliser les autres ! » Mais Vital, feignant la colère, leur répondait : « Laissez-moi tranquille, vous m’ennuyez ! Dieu vous a-t-il constitués mes juges ? Occupez-vous donc de vous-mêmes ! Personne ne vous demandera de rendre compte de moi ! » Il criait cela très haut, pour que le bruit en revînt à saint Jean ; et l’on pense bien que celui-ci ne fut pas longtemps à connaître le scandale de la ville. Mais, avec l’aide de Dieu, il sut endurcir son cœur au point de ne prêter aucune créance à tout ce que l’on disait de Vital.

Et celui-ci, tout en continuant son manège, priait