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LA LÉGENDE DORÉE

vêtue d’une robe tissée d’or. Il a posé un signe sur mon visage, pour m’empêcher d’aimer aucun autre que lui, et il a arrosé mes genoux de son sang. Déjà je me suis donnée à ses caresses, déjà son corps s’est mêlé à mon corps ; et il m’a fait voir un trésor incomparable qu’il m’a promis de me donner si je persévérais à l’aimer. » Ce qu’entendant, le jeune homme devint malade d’amour, en danger de mort. Son père va trouver la jeune fille, au nom de son fils ; mais Agnès lui répond qu’elle ne peut violer la foi promise à son premier fiancé ! Alors le préfet lui demande quel est ce fiancé, et comme quelqu’un lui fait entendre que c’est le Christ qu’elle appelle son fiancé, il se met d’abord à la questionner doucement, puis la menace de la punir si elle refuse de répondre. Mais Agnès lui dit : « Fais ce que tu voudras, je ne te livrerai pas mon secret ! » Alors le préfet : « Choisis entre deux partis ! Ou bien sacrifie à Vesta avec les vierges de la déesse, si tu tiens à ta virginité, ou bien je te ferai enfermer avec des prostituées ! » Mais elle : « Je ne sacrifierai pas à tes dieux, et cependant je ne me laisserai pas souiller, car j’ai près de moi un gardien de mon corps, un ange du Seigneur ! » Alors le préfet la fit dépouiller de ses vêtements, et conduire toute nue dans une maison de débauche. Mais Dieu lui fit pousser des cheveux en telle abondance que ces cheveux la couvraient mieux que tous les vêtements. Et, quand elle entra dans le mauvais lieu, elle y trouva un ange qui l’attendait, tenant une tunique d’une blancheur éclatante. Et ainsi le lupanar devint pour elle un lieu de prière, et l’ange l’éclaira d’une lumière surnaturelle.

Or, le fils du préfet vint dans ce lieu avec d’autres jeunes gens, et invita ses compagnons à jouir d’abord de la jeune fille. Mais, en pénétrant dans la chambre d’Agnès, ils furent si effrayés de la vue de cette lumière qu’ils s’enfuirent auprès du fils du préfet ; et lui, les traitant de lâches, se rua dans la chambre, plein de fureur. Mais aussitôt le diable l’étrangla, Dieu l’ayant abandonné. Alors le préfet, tout en larmes, se rendit auprès d’Agnès, et l’interrogea sur la mort de son fils.