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LA LÉGENDE DORÉE

soldats de le percer de flèches. Et les soldats lui lancèrent tant de flèches qu’il fut tout couvert de pointes comme un hérisson ; après quoi, le croyant mort, ils l’abandonnèrent. Et voici que peu de jours après, saint Sébastien, debout sur l’escalier du palais, aborda les deux empereurs et leur reprocha durement le mal qu’ils faisaient aux chrétiens. Et les empereurs dirent : « N’est-ce point là Sébastien, que nous avons fait tuer à coups de flèches ? » Et Sébastien : « Le Seigneur a daigné me rappeler à la vie, afin qu’une fois encore je vienne à vous, et vous reproche le mal que vous faites aux serviteurs du Christ ! » Alors les empereurs le firent frapper de verges jusqu’à ce que mort s’ensuivît, et ils firent jeter son corps à l’égout, pour empêcher que les chrétiens ne le vénérassent comme la relique d’un martyr. Mais, dès la nuit suivante, saint Sébastien apparut à sainte Lucine, lui révéla où était son corps, et lui ordonna de l’ensevelir auprès des restes des apôtres : ce qui fut fait. Il subit le martyre vers l’an du Seigneur 187.

II. Saint Grégoire rapporte, au premier livre de ses Dialogues, l’histoire que voici. Certaine femme de la Toscane, récemment mariée, avait été invitée à la dédicace d’une église de saint Sébastien. Mais, la nuit qui précédait la cérémonie, elle se sentit si vivement stimulée par la volupté charnelle qu’elle ne put s’abstenir des caresses de son mari. Or, le matin suivant, cette femme se rendit cependant à l’église, ayant plus de honte des hommes que de Dieu. Mais à peine entrée dans la chapelle où étaient les reliques de saint Sébastien, un diable s’empara d’elle, et se mit à la tourmenter en présence de tous. Alors le prêtre de l’église la couvrit du voile de l’autel, et aussitôt le diable s’empara de ce prêtre. On conduisit la femme chez des magiciens ; mais, au cours de leurs incantations, une légion entière de démons, c’est-à-dire une troupe de six mille six cent soixante-six d’entre eux, pénétra dans cette femme pour la tourmenter encore davantage. Et seul un pieux vieillard, nommé Fortunat, réussit par ses prières à chasser les diables du corps de la femme.