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Traité ſur la Tolérance. Chap. XI.

de proſcrire ces abominables déciſions d’abominables Théologiens. [1]

Le ſang de Henri-le-Grand fumait encore, quand le Parlement de Paris donna un Arrêt qui établiſſait

  1. Le Jéſuite Buſembaum, commenté par le Jéſuite La Croix, dit, qu’il eſt permis de tuer un Prince excommunié par le Pape, dans quelque Pays qu’on trouve ce Prince, parce que l’Univers appartient au Pape, & que celui qui accepte cette commiſſion fait une œuvre très charitable. C’eſt cette propoſition inventée dans les petites maiſons de l’Enfer, qui a le plus ſoulevé toute la France contre les Jéſuites. On leur a reproché alors plus que jamais ce dogme ſi ſouvent enſeigné par eux & ſi ſouvent déſavoué. Ils ont cru ſe juſtifier en montrant à peu près les mêmes déciſions dans St. Thomas & dans pluſieurs Jacobins.[1] En effet, St. Thomas d’Aquin, Docteur Angélique, interprète de la volonté divine, ce ſont ſes titres, avance qu’un Prince apoſtat perd ſon droit à la Couronne, & qu’on ne doit plus lui obéir :[2] que l’Égliſe peut le punir de mort : qu’on n’a toléré l’Empereur Julien que parce qu’on n’était pas le plus fort :[3] que de droit on doit tuer tout Hérétique :[4] que ceux qui délivrent le Peuple d’un Prince qui gouverne tyranniquement, ſont très-louables, etc. etc. On reſpecte fort l’Ange de l’École ; mais ſi dans les temps de Jacques Clément, ſon confrère, & du Feuillant Ravaillac, il était venu ſoutenir en France de telles propoſitions, comment aurait-on traité l’Ange de l’École ?
    1. Voyez, ſi vous pouvez, la Lettre d’un homme du monde à un Théologien ſur St. Thomas ; c’eſt une brochure de Jéſuite, de 1762.
    2. Liv. II, part. 2, queſtion 12.
    3. Liv. II. part, 2, queſtion 12.
    4. Ibid. queſtion 11 & 12.