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Traité ſur la Tolérance. Chap. XX.

Il faut donc cultiver les fruits de cette raiſon, d’autant plus qu’il eſt impoſſible de les empêcher d’éclorre. On ne peut gouverner la France après qu’elle a été éclairée par les Paſchals, les Nicoles, les Arnauds, les Boſſuets, les Deſcartes, les Gaſſendis, les Bayles, les Fontenelles, &c., comme on la gouvernait du temps des Garaſſes & des Menots.

Si les Maîtres d’erreur, je dis les grands Maîtres, ſi long-temps payés & honorés pour abrutir l’eſpèce humaine, ordonnaient aujourd’hui de croire que le grain doit pourrir pour germer, que la terre eſt immobile ſur ſes fondements, qu’elle ne tourne point autour du Soleil, que les marées ne ſont pas un effet naturel de la gravitation, que l’arc-en-ciel n’eſt pas formé par la réfraction & la réflexion des rayons de la lumière, &c., & s’ils ſe fondaient ſur des paſſages mal-entendus de la ſainte Écriture pour appuyer leurs ordonnances, comment ſeraient-ils regardés par tous les hommes inſtruits ? Le terme de bêtes ſerait-il trop fort ? Et ſi ces ſages Maîtres ſe ſervaient de la force & de la perſécution pour faire régner leur ignorance inſolente, le terme de bêtes farouches ſerait-il déplacé ?

Plus les ſuperſtitions des Moines ſont mépriſées, plus les Évêques ſont reſpectés, & les Curés conſidérés ; ils ne font que du bien, & les ſuperſtitions