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Traité ſur la Tolérance. Chap. XVIII.

devons exterminer les loups. Il eſt évident qu’alors ils ſont loups eux-mêmes.

Un des plus étonnants exemples de fanatiſme, a été une petite ſecte en Dannemark, dont le principe était le meilleur du monde. Ces gens-là voulaient procurer le ſalut éternel à leurs frères ; mais les conſéquences de ce principe étaient ſingulières. Ils ſavaient que tous les petits enfants qui meurent ſans Baptême ſont damnés, & que ceux qui ont le bonheur de mourir immédiatement après avoir reçu le Baptême, jouiſſent de la gloire éternelle : ils allaient égorgeant les garçons & les filles nouvellement baptiſés, qu’ils pouvaient rencontrer ; c’était ſans doute leur faire le plus grand bien qu’on pût leur procurer : on les préſervait à la fois du péché, des miſères de cette vie, & de l’Enfer ; on les envoyait infailliblement au Ciel. Mais ces gens charitables ne conſidéraient pas qu’il n’eſt pas permis de faire un petit mal pour un grand bien ; qu’ils n’avaient aucun droit ſur la vie de ces petits enfants ; que la plupart des pères & mères ſont aſſez charnels pour aimer mieux avoir auprès d’eux leurs fils & leurs filles que de les voir égorger pour aller en Paradis ; & qu’en un mot, le Magiſtrat doit punir l’homicide, quoiqu’il ſoit fait à bonne intention.

Les Juifs ſembleraient avoir plus de droit que perſonne, de nous voler & de nous tuer. Car bien qu’il