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Traité ſur la Tolérance. Chap. XIV.

re. Un autre dit qu’il a acheté cinq paires de bœufs, & qu’il les doit éprouver ; il a le même tort que l’autre ; on n’eſſaye pas des bœufs à l’heure du ſouper. Un troiſième répond qu’il vient de ſe marier, & aſſurément ſon excuſe eſt très-recevable. Le Père de famille, en colère, fait venir à ſon feſtin les aveugles & les boiteux ; & voyant qu’il reſte encore des places vides, il dit à ſon valet : Allez dans les grands chemins, & le long des hayes, & contraignez les gens d’entrer.

Il eſt vrai qu’il n’eſt pas dit expreſſément que cette parabole ſoit une figure du Royaume des Cieux. On n’a que trop abuſé de ces paroles : Contrains-les d’entrer ; mais il eſt viſible qu’un ſeul valet ne peut contraindre par la force tous les gens qu’il rencontre à venir ſouper chez ſon Maître ; & d’ailleurs, des convives ainſi forcés, ne rendraient pas le repas fort agréable. Contrains-les d’entrer, ne veut dire autre choſe, ſelon les Commentateurs les plus accrédités, ſinon : priez, conjurez, preſſez, obtenez. Quel rapport, je vous prie, de cette prière & de ce ſouper, à la perſécution ?

Si on prend les choſes à la lettre, faudra-t-il être aveugle, boiteux, & conduit par force, pour être dans le ſein de l’Égliſe ? Jésus dit dans la même parabole : Ne donnez à dîner ni à vos amis, ni à vos