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Traité ſur la Tolérance. Chap. XIII.

des méchants dans une eſpèce de Tartare. Ils ne faiſaient point de ſacrifices ; ils s’aſſemblaient entre eux dans une Synagogue particulière. En un mot, ſi l’on

    il n’y a point d’homme raiſonnable qui ne conclue que nous devons avoir de l’indigence pour les opinions des autres, & en mériter.

    Toutes ces remarques ne ſont point étrangères au fond de la queſtion, qui conſiſte à ſavoir ſi les hommes doivent ſe tolérer : car ſi elles prouvent combien on s’eſt trompé de part & d’autre dans tous les temps, elles prouvent que les hommes ont dû dans tous les temps ſe traiter avec indulgence.

    Le dogme de la fatalité eſt ancien & univerſel : vous le trouvez toujours dans Homère. Jupiter voudrait ſauver la vie à ſon fils Sarpedon ; mais le deſtin l’a condamné à la mort ; Jupiter ne peut qu’obéir. Le Deſtin était chez les Philoſophes ou l’enchaînement néceſſaire des cauſes & des effets néceſſairement produits par la nature, ou ce même enchaînement ordonné par la Providence ; ce qui eſt bien plus raiſonnable. Tout le ſyſtème de la fatalité eſt contenu dans ce Vers d’Anneus Sénèque : Ducunt volentem fata, nolentem trahunt. On eſt toujours convenu que Dieu gouvernait l’Univers par des Loix éternelles, univerſelles, immuables : cette vérité fut la ſource de toutes ces diſputes inintelligibles ſur la liberté, parce qu’on n’a jamais défini la liberté, juſqu’à ce que le ſage Locke ſoit venu : il a prouvé que la liberté eſt le pouvoir d’agir. Dieu donne ce pouvoir, & l’homme agiſſant librement ſelon les ordres éternels de Dieu, eſt une des roues de la grande machine du monde. Toute l’Antiquité diſputa ſur la liberté ; mais perſonne ne perſécuta ſur ce ſujet juſqu’à nos jours. Quelle horreur abſurde d’avoir empriſonné