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Traité ſur la Tolérance. Chap. XIII.

dogme reçu, ce qui probablement avait commencé dès le temps de la captivité de Babylone, la ſecte des Saducéens perſiſta toujours à croire qu’il n’y avait

    terre ouvrit ſa bouche ſous les tentes de Coré, de Dathan & d’Abiron, qu’elle les dévora avec leurs tentes & leur ſubſtance, & qu’ils furent précipités vivants dans la ſépulture, dans le ſouterrein ; il n’eſt certainement queſtion dans cet endroit, ni des âmes de ces trois Hébreux, ni des tourments de l’Enfer, ni d’une punition éternelle.

    Il eſt étrange que dans le Dictionnaire Encyclopédique, au mot Enfer, on diſe que les anciens Hébreux en ont reconnu la réalité ; ſi cela était, ce ſerait une contradiction inſoutenable dans le Pentateuque. Comment ſe pourrait-il faire que Moïſe eût parlé dans un paſſage iſolé & unique, des peines après la mort, & qu’il n’en eût point parlé dans ſes Loix ? On cite le 32e Chapitre du Deutéronome, mais on le tronque ; le voici entier : Ils m’ont provoqué en celui qui n’était pas Dieu, & ils m’ont irrité dans leur vanité ; & moi je les provoquerai dans celui qui n’eſt pas Peuple, & je les irriterai dans la Nation inſenſée. Et il s’eſt allumé un feu dans ma fureur, & il brûlera juſqu’au fond de la terre ; il dévorera la terre juſqu’à ſon germe, & il brûlera les fondements des montagnes, & j’aſſemblerai ſur eux les maux, & je remplirai mes flèches ſur eux ; ils ſeront conſumés par la faim, les oiſeaux les dévoreront par des morſures amères ; je lâcherai ſur eux les dents des bêtes qui ſe traînent avec fureur ſur la terre, & des ſerpents.

    Y a-t-il le moindre rapport entre ces expreſſions & l’idée des punitions infernales, telles que nous les concevons ? Il ſemble plutôt que ces paroles n’ayent été rapportées que pour faire voir évidemment que notre Enfer était ignoré des anciens Juifs.