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Miracles.

un auteur profane, il ne doit avoir aucune autorité parmi nous.

Ces philosophes ne peuvent se résoudre à croire les miracles opérés dans le second siècle ; des témoins oculaires ont beau écrire que l’Évêque de Smyrne St. Polycarpe, ayant été condamné à être brûlé & étant jeté dans les flammes, ils entendirent une voix du ciel qui criait, Courage, Polycarpe, sois fort, montre-toi homme ; qu’alors les flammes du bûcher s’écartèrent de son corps, & formèrent un pavillon de feu au-dessus de sa tête, & que du milieu du bûcher il sortit une colombe ; enfin on fut obligé de trancher la tête de Polycarpe. À quoi bon ce miracle ? disent les incrédules ; pourquoi les flammes ont-elles perdu leur nature, & pourquoi la hache de l’exécuteur n’a-t-elle pas perdu la sienne ? D’où vient que tant de martyrs sont sortis sains & saufs de l’huile bouillante, & n’ont pu résister au tranchant du glaive ? On répond que c’est la volonté de Dieu. Mais les philosophes voudraient avoir vu tout cela de leurs yeux avant de le croire.

Ceux qui fortifient leurs raisonnements par la science vous diront que les Pères de l’Église ont avoué souvent eux-mêmes qu’il ne se faisait plus de miracles de leur tems. St. Chrysostome dit expressément : « Les dons extraordinaires de l’esprit étaient donnés même aux indignes, parce qu’alors l’Église avait besoin de miracles ; mais aujourd’hui ils ne sont pas même donnés aux dignes, parce que l’Église n’en a plus de besoin. » Ensuite il avoue qu’il n’y