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Messie.

imbus de toutes ces rêveries, n’ont pu s’élever à l’idée de la nature divine de l’oint du Seigneur, & n’ont pas attribué la qualité de Dieu au Messie ? Voyez comme les Juifs s’expriment là-dessus dans l’ouvrage intitulé Judæi Lusitani quæstiones ad Christianos[1]. « Reconnaître, disent-ils, un homme-Dieu, c’est s’abuser soi-même, c’est se forger un monstre, un centaure, le bizarre composé de deux natures qui ne sauraient s’allier. » Ils ajoutent que les Prophêtes n’enseignent point que le Messie soit homme-Dieu, qu’ils distinguent expressément entre Dieu & David, qu’ils déclarent le premier maître & le second serviteur, &c.

On sait assez que les Juifs esclaves de la lettre n’ont jamais pénétré comme nous le sens des Écritures.

Lorsque le Sauveur parut, les préjugés juifs s’élevèrent contre lui. Jésus-Christ lui-même, pour ne pas révolter leurs esprits aveugles, paraît extrêmement réservé sur l’article de sa divinité : « Il voulait, dit Saint Chrysostome, accoutumer insensiblement ses auditeurs à croire un mystère si fort élevé au-dessus de la raison. » S’il prend l’autorité d’un Dieu en pardonnant les péchés, cette action soulève tous ceux qui en sont les témoins ; ses miracles les plus évidents ne peuvent convaincre de sa divinité, ceux mêmes en faveur desquels il les opère. Lorsque devant le tribunal du souverain sacrificateur, il avoue avec un modeste détour qu’il est le fils

  1. Quæst. 1. 2. 4. 23. &c.