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Messie.

des festins ; mais les talmudistes ont étrangement abusé de ces paraboles ; selon eux le Messie donnera à son peuple rassemblé dans la terre de Canaan, un repas dont le vin sera celui qu’Adam lui-même fit dans le Paradis terrestre, & qui se conserve dans de vastes celliers, creusés par les anges au centre de la terre.

On servira pour entrée le fameux poisson, appelé le grand Léviathan, qui avale tout d’un coup un poisson moins grand que lui, lequel ne laisse pas d’avoir trois cents lieuës de long ; toute la masse des eaux est portée sur Léviathan. Dieu au commencement en créa un mâle & un autre femelle ; mais de peur qu’ils ne renversassent la terre, & qu’ils ne remplissent l’univers de leurs semblables, Dieu tua la femelle, & la sala pour le festin du Messie.

Les Rabbins ajoutent qu’on tuera pour ce repas le taureau Béhémoth, qui est si gros qu’il mange chaque jour le foin de mille montagnes : la femelle de ce taureau fut tuée au commencement du monde, afin qu’une espèce si prodigieuse ne se multipliât pas, ce qui n’aurait pu que nuire aux autres créatures ; mais ils assurent que l’Éternel ne la sala pas, parce que la vache salée n’est pas si bonne que la léviathane. Les Juifs ajoutent encor si bien foi à toutes ces rêveries rabbiniques, que souvent ils jurent sur leur part du bœuf Béhémoth.

Après des idées si grossières sur la venue du Messie, & sur son règne, faut-il s’étonner, si les Juifs tant anciens que modernes, & plusieurs même des premiers Chrétiens, malheureusement