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Religion. VIII. Quest.

mosquées, des églises, des temples, des jours consacrés à l’adoration & au repos, des rites établis par la loi ; que les ministres de ces rites ayent de la considération sans pouvoir ; qu’ils enseignent les bonnes mœurs au peuple, & que les ministres de la loi veillent sur les mœurs des ministres des temples. Cette religion de l’État ne peut en aucun tems causer aucun trouble.

Il n’en est pas ainsi de la religion théologique ; celle-ci est la source de toutes les sottises, & de tous les troubles imaginables ; c’est la mère du fanatisme & de la discorde civile, c’est l’ennemie du genre humain. Un bonze prétend que Fo est un Dieu, qu’il a été prédit par des faquirs, qu’il est né d’un éléphant blanc, que chaque bonze peut faire un Fo avec des grimaces. Un Talapoin dit que Fo était un saint homme, dont les bonzes ont corrompu la doctrine, & que c’est Sammonocodom qui est le vrai Dieu. Après cent argumens & cent démentis, les deux factions conviennent de s’en rapporter au Dalay-Lama qui demeure à trois cents lieuës de là, qui est immortel & même infaillible. Les deux factions lui envoient une députation solennelle. Le Dalay-Lama commence, selon son divin usage, par leur distribuer sa chaise percée.

Les deux sectes rivales la reçoivent d’abord avec un respect égal, la font sécher au soleil, & l’enchâssent dans de petits chapelets qu’ils baisent dévotement. Mais dès que le Dalay-Lama & son conseil ont prononcé au nom de