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Religion. II. Quest.

son Dieu. Voilà pourquoi Jephté dit aux habitans de Moab ; vous possédez légitimement ce que votre Dieu Chamos vous a fait conquérir, vous devez nous laisser jouïr de ce que notre dieu nous a donné par ses victoires.

Ce discours tenu par un étranger à d’autres étrangers est très remarquable. Les Juifs & les Moabites avaient dépossédé les naturels du pays, l’un & l’autre n’avaient d’autre droit que celui de la force ; & l’un dit à l’autre, Ton Dieu t’a protégé dans ton usurpation, souffre que mon Dieu me protège dans la mienne.

Jérémie & Amos demandent l’un & l’autre ; quelle raison a eu le Dieu Melchom de s’emparer du pays de Gad ? Il paraît évident par ces passages, que l’antiquité attribuait à chaque pays un Dieu protecteur. On trouve encor des traces de cette théologie dans Homère.

Il est bien naturel que l’imagination des hommes s’étant échauffée, & leur esprit ayant acquis des connaissances confuses, ils aient bientôt multiplié leurs Dieux, & assigné des protecteurs aux élémens, aux mers, aux forêts, aux fontaines, aux campagnes. Plus ils auront examiné les astres, plus ils auront été frappés d’admiration. Le moyen de ne pas adorer le soleil, quand on adore la divinité d’un ruisseau ? Dès que le premier pas est fait, la terre est bientôt couverte de Dieux, & on descend enfin des astres aux chats & aux oignons.

Cependant, il faut bien que la raison se perfectionne ; le tems forme enfin des philosophes qui voient que ni les oignons ni les