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Persécution.

Je leur remontrerai en penchant le cou, & en tordant la bouche, que tu as une opinion erronée sur les cellules où furent renfermés les Septante ; que tu parlas même il y a dix ans d’une manière peu respectueuse du chien de Tobie, lequel tu soutenais être un barbet, tandis que je prouvais que c’était un lévrier. Je te dénoncerai comme l’ennemi de Dieu & des hommes. Tel est le langage du persécuteur ; & si ces paroles ne sortent pas précisément de sa bouche, elles sont gravées dans son cœur avec le burin du fanatisme trempé dans le fiel de l’envie.

C’est ainsi que le jésuite le Tellier osa persécuter le Cardinal de Noailles, & que Jurieu persécuta Bayle.

Lorsqu’on commença à persécuter les Protestans en France, ce ne fut ni François I, ni Henri II, ni François II, qui épièrent ces infortunés, qui s’armèrent contre eux d’une fureur réfléchie, & qui les livrèrent aux flammes pour exercer sur eux leurs vengeances. François I était trop occupé avec la duchesse d’Étampes, Henri II avec sa vieille Diane, & François II était trop enfant. Par qui la persécution commença-t-elle ? Par des prêtres jaloux qui armèrent les préjugés des Magistrats, & la politique des Ministres.

Si les Rois n’avaient pas été trompés, s’ils avaient prévu que la persécution produirait cinquante ans de guerres civiles, & que la moitié de la nation serait exterminée mutuellement par l’autre, ils auraient éteint dans leurs