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Amour nommé Socratique

Tu chériras un beau garçon,
Tant qu’il n’aura barbe au menton.

Mais en bonne foi, Solon était-il législateur quand il fit ces deux vers ridicules ? il était jeune alors, & quand le débauché fut devenu sage, il ne mit point une telle infamie parmi les loix de sa république ; c’est comme si on accusait Théodore de Bèze d’avoir prêché la pédérastie dans son église, parce que dans sa jeunesse il fit des vers pour le jeune Candide, & qu’il dit :

Amplector hunc & illam.

On abuse du texte de Plutarque, qui dans ses bavarderies, au Dialogue de l’amour, fait dire à un interlocuteur que les femmes ne sont pas dignes du véritable amour ; mais un autre interlocuteur soutient le parti des femmes comme il le doit. Montesquieu s’est bien trompé.

Il est certain, autant que la science de l’antiquité peut l’être, que l’amour socratique n’était point un amour infâme. C’est ce nom d’amour qui a trompé. Ce qu’on appelait les amants d’un jeune homme, étaient précisément ce que sont parmi nous les menins de nos princes ; ce qu’étaient les enfans d’honneur, des jeunes gens attachés à l’éducation d’un enfant distingué, partageant les mêmes études, les mêmes travaux militaires ; institution guerrière & sainte dont on abusa, comme des fêtes nocturnes, & des Orgies.