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Inquisition.

ment fixe en Portugal comme ils en avaient en Arragon & en Castille. Il y eut des difficultés entre la Cour de Rome & celle de Lisbonne, les esprits s’aigrirent, l’Inquisition en souffrait & n’était point établie parfaitement.

En 1539 il parut à Lisbonne un Légat du Pape, qui était venu, disait-il, pour établir la Ste. Inquisition sur des fondements inébranlables. Il apporte au Roi Jean III. des lettres du Pape Paul III. Il avait d’autres lettres de Rome pour les principaux Officiers de la Cour ; ses patentes de Légat étaient dûment scellées & signées ; il montra les pouvoirs les plus amples de créer un grand Inquisiteur & tous les juges du St. Office. C’était un fourbe nommé Savedra qui savait contrefaire toutes les écritures, fabriquer & appliquer de faux sceaux & de faux cachets. Il avait appris ce métier à Rome & s’y était perfectionné à Séville dont il arrivait avec deux autres fripons. Son train était magnifique, il était composé de plus de cent vingt domestiques. Pour subvenir à cette énorme dépense, lui & ses deux confidents empruntèrent à Séville des sommes immenses au nom de la chambre apostolique de Rome ; tout était concerté avec l’artifice le plus éblouissant.

Le Roi de Portugal fut étonné d’abord que le Pape lui envoyât un légat a latere sans l’en avoir prévenu. Le légat répondit fièrement que dans une chose aussi pressante que l’établissement fixe de l’inquisition, Sa Sainteté ne pouvait souffrir les délais, & que le Roi était