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Genèse.

de soixante grandes lieuës l’un de l’autre, dans des montagnes horribles qui ne ressemblent guère à un jardin. Le fleuve qui borde l’Éthiopie, & qui ne peut être que le Nil ou le Niger, commence à plus de sept cents lieues des sources du Tigre & de l’Euphrate ; & si le Phison est le Phase, il est assez étonnant de mettre au même endroit la source d’un fleuve de Scythie & celle d’un fleuve d’Afrique.

Au reste, le jardin d’Éden est visiblement pris des jardins d’Éden à Saana dans l’Arabie heureuse, fameuse dans toute l’antiquité. Les Hébreux, peuple très récent, étaient une horde arabe. Ils se faisaient honneur de ce qu’il y avait de plus beau dans le meilleur canton de l’Arabie. Ils ont toûjours employé pour eux les anciennes traditions des grandes nations au milieu desquelles ils étaient enclavés.

Le Seigneur prit donc l’homme, & le mit dans le jardin de volupté, afin qu’il le cultivât.

C’est fort bien fait de cultiver son jardin, mais il est difficile qu’Adam cultivât un jardin de sept à huit cents lieues de long, apparemment qu’on lui donna des aides.

Ne mangez point du fruit de la science du bien & du mal.

Il est difficile de concevoir qu’il y ait eu un arbre qui enseignât le bien & le mal, comme il y a des poiriers & des abricotiers. D’ailleurs, pourquoi Dieu ne veut-il pas que l’homme connaisse le bien & le mal ? Le contraire n’était-il pas beaucoup plus digne de Dieu, & beaucoup plus nécessaire à l’homme ? Il semble à notre