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Ame

mille occasions a l’intendance sur l’ame animale. L’ame pensante commande à ses mains de prendre, & elles prennent. Elle ne dit point à son cœur de battre, à son sang de couler, à son chile de se former, tout cela se fait sans elle : voilà deux ames bien embarrassées, & bien peu maîtresses à la maison.

Or cette première ame animale n’existe certainement point, elle n’est autre chose que le mouvement de vos organes. Prends garde, ô homme ! que tu n’as pas plus de preuve par ta faible raison que l’autre ame existe. Tu ne peux le savoir que par la foi. Tu es né, tu vis, tu agis, tu penses, tu veilles, tu dors sans savoir comment. Dieu t’a donné la faculté de penser comme il t’a donné tout le reste, & s’il n’était pas venu t’apprendre dans les tems marqués par sa providence que tu as une ame immatérielle & immortelle, tu n’en aurais aucune preuve.

Voyons les beaux systêmes que ta philosophie a fabriqués sur ces ames.

L’un dit que l’ame de l’homme est partie de la substance de Dieu même, l’autre qu’elle est partie du grand tout, un troisième qu’elle est créée de toute éternité, un quatrième qu’elle est faite, & non créée ; d’autres assurent que Dieu les forme à mesure qu’on en a besoin, & qu’elles arrivent à l’instant de la copulation ; « Elles se logent dans les animalcules séminaux, crie celui-ci : Non, dit celui-là, elles vont habiter dans les trompes de Fallope. Vous avez tous tort, dit un survenant, l’ame attend