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Catéchisme Chinois.

Kou.

Mais comment pourrai-je être récompensé, ou puni, quand je ne serai plus moi-même, quand je n’aurai plus rien de ce qui aura constitué ma personne ? Ce n’est que par ma mémoire que je suis toûjours moi. Je perds ma mémoire dans ma dernière maladie ; il faudra donc après ma mort un miracle pour me la rendre, pour me faire rentrer dans mon existence que j’aurai perdue ?

Cu-su.

C’est-à-dire que si un prince avait égorgé sa famille pour régner, s’il avait tyrannisé ses sujets, il en serait quitte pour dire à Dieu, Ce n’est pas moi, j’ai perdu la mémoire, vous vous méprenez, je ne suis plus la même personne ; pensez-vous que Dieu fût bien content de ce sophisme ?

Kou.

Eh bien soit, je me rends ;[1] je voulais faire le bien pour moi-même, je le ferai aussi pour

  1. Eh bien ! tristes ennemis de la raison & de la vérité, direz-vous encor que cet ouvrage enseigne la mortalité de l’ame ? Ce morceau a été imprimé dans toutes les éditions. De quel front osez-vous donc le calomnier ? Hélas, si vos ames conservent leur caractère pendant l’éternité, elles seront éternellement des ames bien sottes & bien injustes. Non, les auteurs de cet ouvrage raisonnable & utile ne vous disent point que l’ame meurt avec le corps ; ils vous disent seulement que vous êtes des ignorans. N’en rougissez pas ; tous les sages ont avoué leur ignorance, aucun d’eux n’a été assez impertinent pour connaître la nature de l’ame. Gassendi en résumant tout ce qu’a dit l’antiquité, vous parle ainsi. Vous savez que vous pensez, mais vous ignorez quelle espèce de substance vous êtes, vous qui pensez. Vous ressemblez à un aveugle qui sentant la chaleur du soleil, croirait avoir une idée distincte de cet astre. Lisez le reste de cette admirable lettre à Descartes,