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aux éléments, aux mers, aux forêts, aux fontaines, aux campagnes. Plus ils auront examiné les astres, plus ils auront été frappés d’admiration. Le moyen de ne pas adorer le soleil, quand on adore la divinité d’un ruisseau ? Dès que le premier pas est fait, la terre est bientôt couverte de dieux, & on descend enfin des astres aux chats & aux oignons.

Cependant, il faut bien que la raison se perfectionne ; le temps forme enfin des philosophes qui voient que ni les oignons ni les chats, ni même les astres, n’ont arrangé l’ordre de la nature. Tous ces philosophes, babyloniens, persans, égyptiens, scythes, grecs & romains admettent un Dieu suprême, rémunérateur & vengeur.

Ils ne le disent pas d’abord aux peuples ; car quiconque eût mal parlé des oignons & des chats devant des vieilles & des prêtres, eût été lapidé. Quiconque eût reproché à certains Égyptiens de manger leurs dieux, eût été mangé lui-même, comme en effet Juvenal rapporte qu’un Égyptien fut tué & mangé tout cru dans une dispute de controverse.

Mais que fit-on ? Orphée & d’autres établissent des mystères que les initiés jurent par des serments exécrables de ne point révéler, & le principal de ces mystères, est l’adoration d’un seul dieu. Cette grande vérité pénètre dans la moitié de la terre ; le nombre des initiés devient immense ; il est vrai que l’ancienne religion subsiste toujours ; mais comme elle n’est point