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voisine, sentant tous les jours sa faiblesse, sentant partout un pouvoir invisible, ait bientôt dit, Il y a quelque être au-dessus de nous qui nous fait du bien & du mal.

Il me paraît impossible qu’elle ait dit : Il y a deux pouvoirs, car pourquoi plusieurs ? On commence en tout genre par le simple, ensuite vient le composé, & souvent enfin on revient au simple par des lumières supérieures. Telle est la marche de l’esprit humain.

Quel est cet être qu’on aura d’abord invoqué ? Sera-ce le soleil ? sera-ce la lune ? je ne le crois pas. Examinons ce qui se passe dans les enfans ; ils sont à peu près ce que sont les hommes ignorans. Ils ne sont frappés ni de la beauté, ni de l’utilité de l’astre qui anime la nature, ni des secours que la lune nous prête, ni des variations régulières de son cours ; ils n’y pensent pas ; ils y sont trop accoutumés. On n’adore, on n’invoque, on ne veut apaiser que ce qu’on craint ; tous les enfans voient le ciel avec indifférence ; mais, que le tonnerre gronde, ils tremblent ; ils vont se cacher. Les premiers hommes en ont sans doute agi de même. Il ne peut y avoir que des espèces de philosophes qui aient remarqué le cours des astres, les aient fait admirer, & les aient fait adorer ; mais des cultivateurs simples & sans aucune lumière, n’en savaient pas assez pour embrasser une erreur si noble.

Un village se sera donc borné à dire ; Il y a une puissance qui tonne, qui grêle sur nous, qui