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caractère, qu’elle ait subsisté avec tant de crimes ; mais si les califes avaient eu une conduite encor plus affreuse, ils auraient donc été encor plus divins. C’est ainsi que raisonne Dermius ; mais les jésuites lui ont répondu.

préjugés

Le préjugé est une opinion sans jugement. Ainsi dans toute la terre, on inspire aux enfans toutes les opinions qu’on veut, avant qu’ils puissent juger.

Il y a des préjugés universels, nécessaires, & qui sont la vertu même. Par tous pays on apprend aux enfans à reconnaître un Dieu rémunérateur & vengeur ; à respecter, à aimer leur père & leur mère ; à regarder le larcin comme un crime, le mensonge intéressé comme un vice, avant qu’ils puissent deviner ce que c’est qu’un vice & une vertu.

Il y a donc de très-bons préjugés : ce sont ceux que le jugement ratifie quand on raisonne.

Sentiment n’est pas simple préjugé ; c’est quelque chose de bien plus fort. Une mère n’aime pas son fils, parce qu’on lui dit qu’il le faut aimer ; elle le chérit heureusement malgré elle. Ce n’est point par préjugé que vous courez au secours d’un enfant inconnu prêt à tomber dans un précipice, ou à être dévoré par une bête.