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du géant. Ils reçurent une excellente éducation ; on leur apprit que leur grand-oncle était géant de droit divin, qu’il pouvait faire de toute sa famille ce qui lui plaisait ; que s’il avait quelque jolie nièce, ou arrière-nièce, c’était pour lui seul sans difficulté, & que personne ne pouvait coucher avec elle que quand il n’en voudrait plus.

Le géant étant mort, son fils qui n’était pas à beaucoup près si fort ni si grand que lui, crut cependant être géant comme son père de droit divin. Il prétendit faire travailler pour lui tous les hommes, & coucher avec toutes les filles. La famille se ligua contre lui, il fut assommé, & on se mit en république.

Les Siamois au contraire prétendaient que la famille avait commencé par être républicaine, & que le géant n’était venu qu’après un grand nombre d’années & de dissensions ; mais tous les auteurs de Benarès & de Siam conviennent que les hommes vécurent une infinité de siècles avant d’avoir l’esprit de faire des loix ; & ils le prouvent par une raison sans réplique, c’est qu’aujourd’hui même où tout le monde se pique d’avoir de l’esprit, on n’a pas trouvé encor le moyen de faire une vingtaine de loix passablement bonnes.

C’est encor, par exemple, une question insoluble dans l’Inde, si les républiques ont été établies avant ou après les monarchies, si la confusion a dû paraître aux hommes plus horrible que le despotisme. J’ignore ce qui est arrivé