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devant le créateur de tous les globes, ni quelle foule d’habitans de ces globes innombrables comparut devant les juges. Je ne rendrai compte ici que de quelques petites particularités tout à fait intéressantes dont je fus frappé.

Je remarquai que chaque mort qui plaidait sa cause & qui étalait ses beaux sentiments, avait à côté de lui tous les témoins de ses actions. Par exemple, quand le cardinal de Lorraine se vantait d’avoir fait adopter quelques-unes de ses opinions par le concile de Trente, & que pour prix de son orthodoxie il demandait la vie éternelle, tout aussitôt paraissaient autour de lui vingt courtisanes ou dames de la cour, portant toutes sur le front le nombre de leurs rendez-vous avec le cardinal. On voyait ceux qui avaient jeté avec lui les fondements de la Ligue ; tous les complices de ses desseins pervers venaient l’environner.

Vis-à-vis du cardinal de Lorraine était Calvin, qui se vantait dans son patois grossier d’avoir donné des coups de pied à l’idole papale, après que d’autres l’avaient abattue. J’ai écrit contre la peinture & la sculpture, disait-il ; j’ai fait voir évidemment que les bonnes œuvres ne servent à rien du tout ; & j’ai prouvé qu’il est diabolique de danser le menuet ; chassez vite d’ici le cardinal de Lorraine, & placez-moi à côté de Saint Paul.

Comme il parlait, on vit auprès de lui un bûcher enflammé, un spectre épouvantable portant