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corps

De même que nous ne savons ce que c’est qu’un esprit, nous ignorons ce que c’est qu’un corps : nous voyons quelques propriétés, mais quel est ce sujet en qui ces propriétés résident ? il n’y a que des corps, disaient Démocrite & Épicure ; il n’y a point de corps, disaient les disciples de Zénon d’Élée.

L’évêque de Cloine, Berklay, est le dernier, qui par cent sophismes captieux a prétendu prouver que les corps n’existent pas ; ils n’ont, dit-il, ni couleurs, ni odeurs, ni chaleur ; ces modalités sont dans vos sensations, & non dans les objets : il pouvait s’épargner la peine de prouver cette vérité, elle était assez connue ; mais de là il passe à l’étendue, à la solidité qui sont des essences du corps, & il croit prouver qu’il n’y a pas l’étendue dans une pièce de drap vert, parce que ce drap n’est pas vert en effet ; cette sensation du vert n’est qu’en vous, donc cette sensation de l’étendue n’est aussi qu’en vous. Et après avoir ainsi détruit l’étendue, il conclut que la solidité qui y est attachée tombe d’elle-même ; & qu’ainsi il n’y a rien au monde que nos idées. De sorte que, selon ce docteur, dix mille hommes tués par dix mille coups de canon, ne sont dans le fond que dix mille appréhensions de notre âme.