Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il est plus beau d’en donner au prochain,
Et deux à deux est le bonheur suprême.
Ses courtisans disaient que tout à tour
C’était Vénus, c’était le tendre Amour :
De tous côtés ils luis cherchaient des filles,
Des bacheliers ou des veuves gentilles.



Hermaphrodix avait oublié net
De demander un don plus nécessaire,
Un don sans quoi nul plaisir n’est parfait,
Un don charmant ; eh quoi ? celui de plaire.
Dieu, pour punir cet effréné paillard,
Le fit plus laid que Samuel Bernard ;
Jamais ses yeux ne firent de conquêtes ;
C’est vainement qu’il prodiguait les fêtes,
Les longs repas, les danses, les concerts ;
Quelquefois même il composait des vers.
Mais quand un jour il tenait une belle,
Et quand la nuit sa vanité femelle
Se soumettait à quelque audacieux,
Le ciel alors trahissait tous ses vœux ;
Il recevait pour toutes embrassades,
Mépris, dégoûts, injures, rebuffades :
Le juste ciel lui faisait bien sentir
Que les grandeurs ne sont pas du plaisir.
" Quoi ! disait-il, la moindre chambrière
Tient son galant étendu sur son sein ;
Un lieutenant trouve une conseillère ;
Dans un moutier un moine a sa nonnain :
Et moi, génie, et riche, et souverain,
Je suis le seul dans la machine ronde
Privé d’un bien dont jouit tout le monde ! "
Lors il jura, par les quatre éléments,
Qu’il punirait les garçons et les belles
Qui n’auraient pas pour lui des sentiments,
Et qu’il ferait des exemples sanglants
Des cœurs ingrats, et surtout des cruelles.



Il recevait en roi les survenants ;
Et de Saba la reine basanée[1],

  1. La reine de Saba vint Voir Salomon, dont elle eut un fils qui est certainement la tige des rois d‘Ethiopie, comme cela est prouvé. Ou ne sait pas ce que devint la race d'Alexandre et de Thalestris. (Note de Voltaire, 1762.)