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Le bien, le sang des pénitents qu’ils croquent ;
Dans l’autre sont bulles, brefs, oremus,
Beaux chapelets, scapulaires, agnus.
Aux pieds bénits de la docte assemblée
Voyez-vous pas le pauvre Galilée[1],
Qui tout contrit leur demande pardon,
Bien condamné pour avoir eu raison ?



Murs de Loudun ! quel nouveau feu s’allume ?
C’est un curé que le bûcher consume :
Douze faquins ont déclaré sorcier
Et fait griller messire Urbain Grandier[2].



Galigaï, ma chère maréchale[3],
Du parlement épaulé de maint pair,
La compagnie ignorante et vénale
Te fait chauffer un feu brillant et clair,
Pour avoir fait pacte avec Lucifer.
Ah ! qu’aux savants notre France est fatale !
Qu’il y fait bon croire au pape, à l’enfer,
Et se borner à savoir son _Pater_ !
Je vois plus loin cet arrêt authentique[4]

  1. Galilée, le fondateur de la philosophie en Italie, fut condamné par la congrégation du Saint-Off‍ice, mis en prison et traité très-durement, non-seulement comme hérétique, mais comme ignorant, pour avoir démontré le mouvement de la terre. (Note de Voltaire, 1762.) — Voyez l'Essai sur les mœurs, ch. cxxi.
  2. Urbain Grandier, curé de Loudun, condamné au feu en 1629. par une commission du conseil, pour avoir mis le diable dans le corps de quelques religieuses. Un nommé La Ménardaye a été assez imbécile pour faire imprimer, en 1749, un livre dans lequel il croit prouver la vérité de ces possessious. (Note de Voltaire, 1762.) — P.-J.-B. de La Ménardaye, prêtre de l'Oratoire, est auteur d'Examen et discussion critique de l'Histoire des diables de Loudun ; Paris. De Bure, 1747, in-12 ; Liège, Everard Kintz 1749, in-12. C'est la même édition pour laquelle on a refait un titre.(B.)
  3. Éléonore Galigaï, fille de grande qualité, attachée à la reine Marie de Médicis, et sa dame d'honneur, épouse de Concino Concini, Florentin, marquis d'Ancre, maréchal de France, fut non-seulement décapitée a la Grève en 16l7, comme il est dit dans l‘Abrégé chronologique de l'Histoire de France, mais fut brûlée comme sorcière, et ses biens furent donnés à ses ennemis. Il n‘y eut que cinq conseillers qui, indignes d’une horreur si absurde, ne voulurent pas assister au jugement. (Note de Voltaire, 1762.) — Voyez l’Essai sur les mœurs, chap. clxxv.
  4. Le parlement, sous Louis XIII, défendit, sous peine de galères, qu'on enseignât une autre doctrine que celle d’Aristote, et défendit ensuite l’émétique, mais sans Condamner aux galères les médecins ni les malades. Louis XIV fut guéri à Calais par l’émetique, et l'arrêt du parlement perdit de son crédit. (Note de Voltaire, 1762.) — L‘arrêt du parlement en faveur de la doctrine d‘Aristote est du 4 septembre 1624, et « fait défenses à toutes personnes, à peine de la vie, tenir ni enseigner aucune maxime contre les auteurs anciens et approuvés. » (R.)