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JEAN

QUI PLEURE ET QUI RIT[1]


(1772)


 
Quelquefois le matin, quand j’ai mal digéré,
Mon esprit abattu, tristement éclairé,
Contemple avec effroi la funeste peinture
Des maux dont gémit la nature :
Aux erreurs, aux tourments, le genre humain livré ;
Les crimes, les fléaux de cette race impure,
Dont le diable s’est emparé.
Je dis au mont Etna : « Pourquoi tant de ravages.
Et ces sources de feu qui sortent de tes flancs ? »
Je redemande aux mers tous ces tristes rivages
Disparus autrefois sous leurs flots écumants ;
Et je redis aux tyrans :
« Vous avez troublé le monde
Plus que les fureurs de l’onde,
Et les flammes des volcans. »
Enfin, lorsque j’envisage
Dans ce malheureux séjour
Quel est l’horrible partage
De tout ce qui voit le jour,

  1. Il est dit dans le Commentaire historique que cette pièce fut écrite à quatre-vingt-deux ans : l’auteur n’en avait que soixante-dix-huit. On parle de Jean qui pleure et qui rit dans les Mémoires secrets, à la date du 28 mai 1772, et on l’imprima dans le Mercure, premier cahier de juillet, toutefois avec quelques différences que j’indiquerai. Toutes les éditions séparées que j’en ai vues contiennent une Réponse de M. de Voisenon. On imprima, on 1784, Jean qui pleure et Jean qui rit, pièce en un acte et en prose. M. Brazier a fait jouer sur le théâtre des Variétés, le 17 juillet 1815, une comédie-vaudeville intitulée Jean qui pleure et Jean qui rit, non imprimée. Un Dialogue politique, en prose, imprimé en 1789 ou 1790, in-8o de 8 pages, a pour titre Jean qui pleure et Jean qui rit, ou l’Héraclite et le Démocrite français. (B.)