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Présidait aux autels, et gouvernait les mœurs,
Restreignait sagement le nombre des vestales,
D’un peuple extravagant réglait les bacchanales.
Marc-Aurèle et Trajan mêlaient, au Champ de Mars,
Le bonnet de pontife au bandeau des Césars ;
L’univers, reposant sous leur heureux génie,
Des guerres de l’école ignora la manie :
Ces grands législateurs, d’un saint zèle enivrés,
Ne combattirent point pour leurs poulets sacrés.
Rome, encore aujourd’hui conservant ces maximes
Joint le trône à l’autel par des nœuds légitimes ;
Ses citoyens en paix, sagement gouvernés,
Ne sont plus conquérants, et sont plus fortunés.
   Je ne demande pas que dans sa capitale
Un roi, portant en main la crosse épiscopale,
Au sortir du conseil allant en mission,
Donne au peuple contrit sa bénédiction ;
Toute église a ses lois, tout peuple a son usage :
Mais je prétends qu’un roi, que son devoir engage
A maintenir la paix, l’ordre, la sûreté,
Ait sur tous ses sujets égale autorité [1].
Ils sont tous ses enfants ; cette famille immense
Dans ses soins paternels a mis sa confiance.
Le marchand, l’ouvrier, le prêtre, le soldat,
Sont tous également les membres de l’État.
De la religion l’appareil nécessaire
Confond aux yeux de Dieu le grand et le vulgaire ;
Et les civiles lois, par un autre lien,
Ont confondu le prêtre avec le citoyen.
La loi dans tout État doit être universelle :
Les mortels, quels qu’ils soient, sont égaux devant elle.
Je n’en dirai pas plus sur ces points délicats.
Le ciel ne m’a point fait pour régir les États,
Pour conseiller les rois, pour enseigner les sages ;
Mais, du port où je suis contemplant les orages,
Dans cette heureuse paix où je finis mes jours,

  1. Ce n’est pas à dire que chaque ordre de l’État n’ait ses distinctions, ses privilèges indispensablement attachés à ses fonctions. Ils jouissent de ces privilèges dans tout pays ; mais la loi générale lie également tout le monde. (Note de Voltaire, 1756.)