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POËME SUR LA LOI NATURELLE.

Il porta le flambeau dans l’abîme de l’être ;
Et l’homme avec lui seul apprit à se connaître.
L’art quelquefois frivole et quelquefois divin,
L’art des vers est, dans Pope, utile au genre humain.
Que m’importe en effet que le flatteur d’Octave,
Parasite discret, non moins qu’adroit esclave,
Du lit de sa Glycère, ou de Ligurinus,
En prose mesurée insulte à Crispinus ;
Que Boileau, répandant plus de sel que de grâce,
Veuille outrager Quinault, pense avilir le Tasse ;
Qu’il peigne de Paris les tristes embarras,
Ou décrive en beaux vers un fort mauvais repas ?
Il faut d’autres objets à votre intelligence.
    De l’esprit qui vous meut vous recherchez l’essence,
Son principe, sa fin, et surtout son devoir.
Voyons sur ce grand point ce qu’on a pu savoir,
Ce que l’erreur fait croire aux docteurs du vulgaire,
Et ce que vous inspire un Dieu qui vous éclaire.
Dans le fond de nos cœurs il faut chercher ses traits :
Si Dieu n’est pas dans nous, il n’exista jamais.
Ne pouvons-nous trouver l’auteur de notre vie
Qu’au labyrinthe obscur de la théologie ?
Origène et Jean Scott sont chez vous sans crédit :
La nature en sait plus qu’ils n’en ont jamais dit.
Écartons ces romans qu’on appelle systèmes ;
Et pour nous élever descendons dans nous-mêmes.